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Au nom de sa neutralité, la Suisse refuse de soigner des blessés ukrainiens

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Au nom de sa neutralité, la Suisse refuse de soigner des blessés ukrainiens
Les autorités fédérales ont émis un avis défavorable à l’accueil de blessés ukrainiens dans les hôpitaux suisses, selon une enquête publiée le 18 juillet. Pour la presse helvète, une telle décision va à l’encontre de la tradition humanitaire du pays.

La Suisse peine à prendre position au sujet de la guerre en Ukraine. Une enquête du journal zurichois Tages-Anzeiger a révélé que l’Otan avait sollicité le pays en mai dernier pour qu’il accueille des blessés de guerre ukrainiens dans ses hôpitaux. Si les cantons et les établissements hospitaliers y étaient favorables, le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) a mis son veto, préférant envoyer des médicaments et aider les infrastructures médicales en Ukraine.

Désormais la polémique enfle”, assure Le Temps. Dans un pays où la gestion des admissions hospitalières relève avant tout des cantons, la réponse des autorités fédérales suisses est critiquée. “D’un point de vue humanitaire, la prise en charge de civils aurait été souhaitable”, a notamment déclaré au quotidien genevois la Conférence des directrices et directeurs cantonaux de la santé (CDS).

Un bilan du Haut-Commissariat aux droits de l’homme datant du 12 juillet 2022 estime ainsi que le nombre de victimes civiles en Ukraine s’élève à au moins 15 544, dont 5 024 morts.

Dans les pages du Tages-Anzeiger, le journaliste Philippe Reichen va dans le même sens. “Le DFAE se réfère volontiers et souvent à la tradition humanitaire en Suisse, écrit-il dans un article d’opinion. Sa décision de ne pas accueillir de blessés de guerre va directement à l’encontre de cette tradition.” D’autant que la Suisse s’enorgueillit d’être à l’origine de la Croix-Rouge, dont le Comité international est situé à Genève.

Pas de retour sur le champ de bataille

Selon le tabloïd Blick, “le ministère affirme qu’il agit au nom de la neutralité”. En tant qu’État neutre, la Suisse n’aurait le droit de soigner les soldats ukrainiens que sous certaines conditions. Le pays devrait notamment veiller, selon les Conventions de Genève sur le droit humanitaire, à ce que les soldats soignés sur le sol helvétique “ne puissent pas de nouveau prendre part aux opérations de la guerre”. Le titre zurichois explique :

“[Pour rester dans la légalité], la Suisse devrait donc emprisonner les soldats rétablis. L’autre piste – parfaitement irréaliste – consisterait à faire autoriser par la Russie le retour de ces soldats ukrainiens sur le front.”
L’accueil de civils uniquement est, selon les autorités fédérales, lui aussi inenvisageable. “Il est presque impossible de distinguer les civils des militaires, explique au Temps le secrétaire d’État adjoint du DFAE Johannes Matyassy. En ce moment, de nombreux civils en Ukraine prennent les armes.”

Repenser les Conventions de Genève

Mais Le Matin peine à comprendre cet argumentaire. “Après la reprise des sanctions européennes ou les déclarations de soutien à l’Ukraine, la Suisse est dans ce conflit comme ses voisins européens, aux côtés de l’Ukraine et non de la Russie, assure le quotidien de Lausanne. Cette décision est aussi en contradiction avec l’esprit de l’accueil de dizaines de milliers de réfugiés ukrainiens depuis le début du conflit.”

Le Tages-Anzeiger, lui, va plus loin : “Si la marge de manœuvre légale des États neutres est aussi étroite que le pense le DFAE, en tant que pays dépositaire des Conventions de Genève la Suisse pourrait engager une réforme de ce statut.” Le quotidien alémanique ajoute que ces réglementations ont été élaborées en 1949 : “Elles ne sont plus en phase avec notre époque.”

La Suisse n’est pas le seul pays neutre à avoir été sollicité pour accueillir des blessés ukrainiens”, rappelle quant à lui Le Temps. Contrairement à la Confédération helvétique, l’Autriche a promis d’accueillir une centaine d’Ukrainiens gravement blessés, principalement des femmes et des enfants. “À ce jour cependant, seules trois personnes ont été soignées dans les hôpitaux du pays.”


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